S’inscrire à un premier ultramarathon, ça force à revoir sa façon de s’entraîner. Ça pousse à ralentir la machine, pour puiser dans ses graisses plutôt que dans ses glucides. Ça pousse aussi à mettre l’orgueil de côté en situation de course sur route, comme ce matin, au Demi-marathon des Glaces d’Ange-Gardien.

Les conditions étaient parfaites pour un 21K en février. Pas de glace, malgré le nom. Même pas de neige dans les champs.

Mon objectif pour cette première course de 2016 sortait de l’ordinaire: ne pas regarder mon rythme au kilomètre. Uniquement ma fréquence cardiaque. Rythme visé: 147 battements par minute. C’est lent en ta.

Après un kilomètre, le lapin de 2 h 05 m’a dépassé. Puis celui de 2 h 10, même si ma fréquence cardiaque était encore plus rapide que celle visée au départ. Wo là! Je savais que je devrais courir très lentement, mais de là à faire mon pire temps à vie sur un demi? Ne pas perdre de vue mon objectif… Ne pas perdre de vue mon objectif… Ah non! Voilà le lapin de 2 h 15! Il y a quand même des limites!

Je me suis donc collé au groupe de 2 h 15. Et je n’ai jamais eu autant de plaisir à courir un demi!

Le parcours, rectiligne et sans aucun dénivelé, donne une vue privilégiée sur des champs à perte de vue, des fermes, puis encore d’autres champs, avec des odeurs… campagnardes. Trois longues lignes droites, dont le chemin de la Grande-Ligne qui ne s’appelle pas comme ça pour rien. Pas facile pour le mental. Personnellement, je préfère les parcours avec des courbes et des dénivelés de fou, comme le Demi-marathon des Microbrasseries de Bromont. Mais bon, il y en a pour tous les goûts.

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Le groupe de 2 h 15, donc. Jusqu’au 15e km, on a jasé de technique de course, de trail, d’espadrilles. On a beaucoup ri aussi. Courir en groupe plutôt que dans ma bulle, ça ne m’était jamais arrivé. J’ai adoré… et ça évite de regarder très loin devant soi, vers la file de coureurs qui s’étire sur plusieurs kilomètres!

Une dame sourde et souffrant de déficience visuelle faisait aussi partie du groupe. Ces deux handicaps ne l’empêchent pas de courir. Tsé, quand toutes les excuses sont bonnes pour ne pas quitter le confort de son salon…  Ses excuses à elle vaudraient toutes les nôtres réunies. Mais elle court quand même. Chapeau!

Ouvrir la machine

Avant même de commencer la course, je savais qu’il me resterait pas mal de jus jusqu’au fil d’arrivée si je m’en tenais à ma fréquence cardiaque visée. Au 15e km, je ne ressentais aucune fatigue. Niet. J’ai donc ouvert la machine. Pas pour me défoncer. Juste pour avoir au moins l’impression de m’être donné un peu. Ça reste une course, quand même!

J’ai fini par dépasser le lapin de 2 h 10 (tiens toé!), puis j’ai doublé de nombreux coureurs à la respiration bruyante qui avaient clairement hâte que ça finisse.

Chrono final: 2 h 07. Une minute de moins que mon pire demi à vie, que j’avais fini en en marchant de grands bouts.

Je n’ai pas atteint complètement mon objectif de fréquence cardiaque. L’apprentissage est loin d’être terminé! Mais mentalement, j’ai énormément progressé.

Jamais je n’avais terminé un demi sans avoir de douloureuses crampes aux mollets. Jamais je n’avais encore fini une course sans ressentir de nombreuses courbatures. Là? J’ai respecté mes capacités. J’aurais pu en donner un peu plus à la toute fin, mais à quoi bon? Comme mes jambes sont devenues mon principal moyen de transport (que ce soit pour courir ou pour pousser sur des pédales), je dois les ménager parce que lundi approche à grands pas!

Les derniers coureurs

Après avoir franchi le fil d’arrivée, frais et dispo (!), je suis revenu sur mes pas, pour encourager les derniers coureurs. Inspirant. Très inspirant.

Voir ces gens de tous âges qui puisent au plus profond d’eux-mêmes pour atteindre leur objectif. Qui grimacent de douleur. Qui ont de la difficulté à mettre un pied devant l’autre, mais qui continuent, coûte que coûte. Ça m’inspire autant, sinon plus que ceux qui grimpent sur le podium.

Dans les derniers kilomètres, j’avais dépassé deux dames qui marchaient. Elles sacraient et tentaient de se botter le cul pour réussir à courir jusqu’au prochain cône orange qui délimitait le parcours.

Les deux dames ont fini par finir leur course de 10K. À voir enfin le fil d’arrivée, elles en avaient les larmes aux yeux. Elles n’étaient pas les seules.