Ça fait plus de six heures qu’on court à un rythme modéré et constant, Amélie et moi. Nous avons une bonne quarantaine de kilomètres dans les pattes. Jusque-là, le parcours du 53K du Gaspesia 100 avait été assez roulant.
Un premier bout sur le bord de la mer, à gravir des rochers pour se frayer un chemin jusqu’à une route asphaltée, puis de la trail. Rien de très technique. Quelques racines, sans plus. Une magnifique chute, celle de la rivière aux Émeraudes, vers le 13e kilo.
Pour le reste, un temps frais et de bonnes rafales de vent par moments. Des nuages, mais pas de pluie. Assez pour qu’on laisse des vêtements chauds et mon coupe-vent au ravito de l’Anse-à-Beaufils, au 33e kilo. Erreur.
C’est en arrivant au ravito du 41e kilo que la pluie s’est mise de la partie. Pas juste une petite bruine, là. De la grosse pluie ben ben mouillée. Comme un mauvais remake de Bear Mountain, cinq semaines plus tôt… Mon karma, faut croire.
Au début, ça faisait juste du bien, cette pluie. Mais plus ça allait, plus ça trempait le sentier. Et pour bien faire, on venait juste d’amorcer la portion « dénivelée » du parcours. Sur un peu plus de 1500 mètres de dénivelé positif au total, environ 1000 mètres devaient être concentrés dans cette dernière section.

Pour monter, ça allait. Mais pour descendre, c’était une autre histoire! La trail, très abrupte, avait été transformée en véritable coulée de boue. Impossible de marcher, et encore moins de courir. Il fallait déposer chaque pied avec une extrême prudence, à la recherche d’une racine ou d’une roche stable, ou encore d’une branche à laquelle s’accrocher.
On a descendu des sections à reculons en s’agrippant à des cordes, comme Batman et Robin quand ils montaient le long des immeubles. À certains moments, Amélie s’est retrouvée carrément sur le cul, dans la grosse bouette sale. Difficile de ne pas en rire! Et j’ai descendu des bouts en slidant tout en essayant de ne pas perdre l’équilibre.

Ça nous a pris plus de 40 minutes pour parcourir deux interminables kilomètres. Tous les coureurs qui avaient franchi cette longue descente avant le début de l’averse ont sauvé un temps fou. Pas nous.
Il commençait à faire plus que froid. En une heure, le mercure était passé de 18 à 12 degrés. Les vêtements appropriés, on le rappelle, étaient restés au ravito… Au moins, j’avais gardé mes manchons. Avec mon t-shirt, ça faisait quand même la job, mais faut croire que j’ai un peu gelé des mains parce que j’avais les doigts enflés d’un gars qui traîne un pas pire surplus de poids.
Vue imprenable sur…
On arrive au ravito Gargantua, vers le 47e kilo. Y’a pas un chat. Une Chinoise anglophone (ou était-ce une Vietnamienne?) sort de son auto et nous montre le chemin à suivre. Fait frette. C’est brumeux. Venteux. On voit fuck all.
Direction le sommet du mont Saint-Anne (sans accent circonflexe, parce que ce n’est pas celui près de Québec). On saura plus tard qu’on aurait dû y avoir une vue imprenable sur le village de Percé en bas, son rocher avec un trou et l’île Bonaventure. Nous, on n’a rien vu, à part des nuages. Pas de Calinours ni personne pour nous accueillir au dernier ravito tellement le temps était à chier. J’y ai ramassé le dernier Rekarb disponible. Un p’tit boost de sirop d’érable pour finir.

On redescend dans la trail en zigzag. Puis une rue asphaltée. Direction rue du Quai, dans le village de Percé. Il fait aussi pas beau en bas qu’en haut. Même l’arche d’arrivée a abdiqué.
Après 8 h 51 de course, 54 kilomètres et environ 1500 mètres de dénivelé positif, on nomme nos noms au micro. Quelques braves spectateurs nous applaudissent. On aperçoit Myriam, l’une des organisatrices, avec une tonne de médailles toutes emmêlées dans un bras. Ça doit vouloir dire que la ligne d’arrivée se trouve ici.

Direction Chute du Diable
On a beau m’offrir une bière et de la bouffe, je refuse gentiment. J’enfile une patate tiède et, trois ou quatre minutes après avoir franchi le fil d’arrivée, je repars… en courant.
Depuis le 20e kilo environ, c’est clair dans ma tête. Je me remettrai à courir après la ligne d’arrivée. Pour me tester tant physiquement que mentalement, en prévision du 80K de la Chute du Diable, en septembre prochain.
À Bear Mountain, il me restait des jambes après mon 50K. Mais mentalement, j’avais fait le décompte des kilomètres au fil du parcours et il était hors de question que je prolonge le plaisir ne serait-ce que de quelques centaines de mètres.
Cette fois, par contre, en sachant d’avance que la ligne d’arrivée n’en était pas vraiment une, je me disais que j’y arriverais. Et j’y suis arrivé. Facilement à part ça. J’aurais voulu courir plus longtemps, mais j’étais tellement trempé que je me suis contenté de 2,5 kilomètres supplémentaires, à un rythme tout à fait normal et sans aucune douleur. Ça promet pour la suite!
20 juin 2017 at 22 h 12 min
Ayoye! Malade. Vos aventures sont plus folles les unes que les autres! J’adore lire vos histoires. Elles m’impressionnent toujours autant! Bravo; vous avez toute mon admiration, même si je n’arrive pas vraiment à « comprendre » le thrill derrière de telles épreuves !
Et « chapeau » à votre famille qui accepte d’organiser sa vie en fonction de votre passion. Ce n’est pas donné à tous d’avoir un tel soutien. Pour ma part, je vais continuer à faire mes petots jogs de mémère de 5-10 km!!
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21 juin 2017 at 20 h 57 min
Merci! Honnêtement, je n’ai pas l’impression qu’il s’agit « d’épreuves ». C’est plutôt de très longues sorties en montagne qui permettent de voir une foule de paysages et de profiter de la nature pendant de nombreuses heures. Du gros fun, finalement! 🙂
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24 juin 2017 at 13 h 16 min
Impressionnant mon fils. Drôle aussi de lire ça. Tu es un bon communicateur.
😎
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