C’est le lendemain de ma Trotte légendaire que ça m’a frappé de plein fouet. Malgré l’ampleur du défi que représentait mon ultra maison, je… n’ai pas atteint ma limite. Même après 102 km en trail, 18 heures de course et 3400 mètres de dénivelé. Même si j’avais dormi maximum trois heures avant de commencer à courir à la lueur de ma frontale. Rendu au fil d’arrivée, j’aurais facilement pu continuer. Les jambes étaient encore toutes là. La tête aussi.

Pourquoi? Peut-être parce que j’ai pu m’appuyer sur quelques principes appris sur le tas depuis deux ans.

Principe no 1: pas si, mais quand

Dans un ultra, la question n’est pas de savoir si ça ira mal, mais plutôt de savoir quand. Parce que ça ira mal, tôt ou tard. L’important est d’être en mesure de surmonter ce creux de vague.

J’ai été incapable d’ingérer quoi que ce soit pendant mes 28 premiers kilomètres. J’ai fini par être malade vers le 31e, pendant que Fanny et Dominic continuaient de jaser de bouffe de granole juste à côté de moi au lieu de me flatter le dos. Cinq minutes plus tard, mon estomac était comme neuf. Mais je n’avais pas plus le goût de manger leur levure aux graines de chia servie dans un pot Mason.

Principe no 2: une section à la fois

Ça aurait été facile de me décourager au début, quand je me suis trompé de sentier en pleine nuit. J’aurais pu me dire qu’il me restait encore 90 kilomètres avant d’aller me coucher. Mais non. J’avais juste en tête la distance que je devais parcourir avant d’arriver au premier ravito. Et ainsi de suite jusqu’à la fin.

Principe no 3: l’importance de l’équipe de soutien et des pacers

Quand tu sais que quelqu’un t’attend à chaque ravito, ça te donne une bonne raison d’avancer. Et quand tu as des amis qui font des bouts de run avec toi, les kilomètres passent beaucoup plus vite et ça te force à accélérer la cadence.

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Une partie de mon équipe de feu: Amélie Lachance, Anne Roisin et Fanny Guévin.

Toujours plus loin

Faut croire que la préparation de mon 100K, physique mais surtout mentale, était à point. Pourtant, ma plus longue distance jusque là avait été le 80K d’Harricana l’an dernier, et ça n’avait vraiment pas bien été. Cette fois, j’avais plus qu’atteint ma limite. Un an plus tard, j’ai repoussé cette limite… Repoussée tellement loin que je ne la vois plus.

Depuis que je cours en trail, j’essaie d’avoir une progression intelligente en augmentant graduellement la distance. Parce que c’est ce que j’aime. Passer de plus en plus de temps dans le bois, à mettre un pied devant l’autre et à vivre pleinement le moment présent.

En 2016

En 2017

La question, maintenant: c’est quoi la suite? La réponse s’est quelque peu précisée dimanche.

J’ai eu le privilège d’être pacer pour mon ami Jasmin Gill au Bromont Ultra, alors qu’il prenait part au 160K, la mythique distance de 100 miles. Il avait fait le 125K d’Harricana quatre semaines plus tôt, puis une longue course à relais sept jours après. Il n’était pas très reposé pour le 160 du BU, disons.

Puisque je connaissais maintenant très bien l’importance du principe no 3, je suis allé l’encourager au km 113, au ravito chez Bob, 8 km avant l’endroit à partir duquel j’étais autorisé à courir avec lui. Le soleil s’apprêtait à se lever. « Je m’excuse, je suis plus lent que prévu », qu’il m’a dit d’emblée en me voyant. Quoi? What the fuck, des excuses? Tu as commencé à courir à 7 h 30 hier matin sur l’un des plus difficiles 100 miles du nord-est américain!

À ce moment, il était passablement fatigué et avait connu une nuit difficile. Il s’est allongé dix minutes. A prolongé son petit repos de cinq minutes. Puis de cinq autres. Et il est reparti, sans jamais ralentir le rythme. En étant persuadé qu’il finirait cette course. Et il l’a finie avec un aplomb digne de mention. J’ai eu la chance de l’accompagner pendant 8 heures, en lui changeant les idées tout en ajoutant des principes à mon carnet de notes (par exemple: s’allonger quelques minutes sur un 160, ça peut être extrêmement bénéfique). Son moral n’a jamais flanché.

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Jasmin, à 6 km de finir le BU 160. Crédit photo: Fannie Amiot.

Un an plus tôt, j’avais jasé avec un coureur du 160 pendant quelques minutes, alors qu’il s’approchait enfin du fil d’arrivée. À ce moment, ça me paraissait totalement fou comme accomplissement. Un an plus tard, c’est… beaucoup moins fou. J’oserais même dire que c’est de plus en plus à ma portée. Pas pour l’an prochain, parce que j’ai encore des croûtes à manger. Mais dans deux ans, pour mes 40 ans? Fort probablement.

Mais d’ici là, c’est quoi le plan?

La question est bonne. La réponse, encore un peu floue. Sûrement un 100K, puis un 125K l’an prochain. À moins que…

À moins que je sois capable de me qualifier pour la CCC ou la TDS, deux courses qui empruntent une partie de l’Ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB), le summum des courses de trail sur la planète (un peu comme le Marathon de Boston pour les marathoniens).

Mais pour ça, ça me prend assez de points.

Pour faire simple, uniquement pour avoir mon nom dans le chapeau, j’ai besoin de 8 points amassés en deux courses en 2016 et en 2017. Pour l’instant, j’en ai 6 (voir mon bilan plus haut). Il me reste jusqu’à la fin décembre pour faire une course de 80K, valable pour 4 points, mais elles se font de plus en plus rares. Sinon, je devrai faire plusieurs grosses courses l’an prochain pour pouvoir me réessayer en 2019. À suivre!