Courir doit demeurer une partie de plaisir. Toujours. C’est quand ça devient une obligation que la motivation fout le camp. C’est ce qui était, je crois, sur le point de m’arriver. Mais j’ai heureusement levé le pied avant de me planter.

Après ma « trotte légendaire » de 100K, au début de l’automne, j’avais l’impression d’avoir soudainement accès aux plus grandes distances d’ultratrail. Comme si j’avais franchi un nouveau niveau dans un jeu vidéo et que j’accédais à un nouveau monde. J’étais au sommet de ma forme. Alors pourquoi ne pas m’inscrire au 100K Fuego y Agua au Nicaragua, au début mars?

Y’avait rien d’impossible. Même si je savais qu’il y aurait le clash de la température en arrivant là-bas. Même si je savais que plus de deux coureurs sur trois n’ont pas terminé la course (DNF) lors de la dernière édition.

C’était avant…

Avant qu’il commence à neiger dans notre beau pays. Avant que je me rende compte qu’il serait passablement difficile de faire de très longues runs de six, huit ou dix heures en trail alors qu’il fait -25. C’est faisable, oui. Mais agréable? Plaisant? J’en doute.

C’était avant…

Avant que j’apprenne que le temps limite de cette course est extrêmement serré.

Avant que je sache que les ravitos sont composés presque exclusivement de noix et de melon d’eau (mouches incluses), et donc que je devrai traîner ma bouffe.

Ce défi, au départ si motivant, était soudainement devenu une immense montagne que je n’avais plus le goût de grimper. Ces dernières semaines, mon voyage au Nicaragua ne m’emballait plus. J’en étais même venu à l’appréhender. Je me demandais sans cesse comment j’allais faire pour augmenter mes heures « d’entraînement » (je déteste ce mot) sans négliger mes enfants que j’ai en garde partagée, ma blonde qui habite à deux heures de route et ma job qui m’occupe à temps plein.

Couper sur mes heures de sommeil pour pouvoir courir encore plus? C’est le meilleur moyen de me brûler.

Suivre un programme d’entraînement? Devoir absolument courir tant d’heures ce jour-là malgré la météo de schnoutte parce que j’ai une course importante qui m’attend, et non parce que ça me tente de chausser mes espadrilles? Non merci. J’ai couru pendant presque toute l’année sans aucun plan précis et je n’ai jamais eu autant de plaisir à jouer dans le bois…

L’orgueil

Je n’osais pas trop me l’avouer, mais y’a pas juste le 100K au Fuego y Agua. Je pourrais aussi faire seulement le 50K. « Seulement » le 50K… Ça reste quand même 50 kilomètres et 3000 mètres de dénivelé, à monter deux fois un volcan, au début mars! Ce n’est pas rien! Mais ça voudrait dire que je renierais ce que j’ai annoncé en grande pompe ici même… Maudit orgueil!

À force d’en jaser dernièrement avec ma blonde, elle m’a fait réaliser que j’avais le droit de voir moins grand pour cette première course de la saison. Que je devais continuer d’avoir du fun. Et qu’il pourrait être plus sage de parcourir 50K dans le plaisir plutôt que d’essayer de courir 100K et de ne pas pouvoir profiter du reste de mon voyage.

Depuis ce temps, j’ai recommencé à courir quand ça me tente. Avec le sourire. Et j’ai hâte de partir!

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