Je l’admets d’emblée: j’ai peur. Mon premier 100 miles complété, il y a un peu plus de deux semaines, ne s’est pas déroulé comme je l’imaginais. Je m’attendais… à pire. À bien pire. Et ça me fout la trouille.

Je pensais devoir dormir en chemin.

Je pensais avoir des hallucinations, comme au Nicaragua.

Je pensais devoir me traîner tant bien que mal jusqu’à la ligne d’arrivée, surtout avec «l’entraînement» de cabochon que j’avais eu durant les mois précédents.

Je pensais devoir puiser au plus profond de moi-même pour terminer mon premier 160 km. D’autant plus que le Bromont Ultra, avec ses 7000 mètres de dénivelé, est considéré comme l’un des 100 miles les plus difficiles à l’est des Rocheuses.

Je pensais pleurer à chaudes larmes en réussissant mon plus gros défi à vie.

Je pensais être sur un nuage dans les jours suivant cet «accomplissement».

Je pensais que ce premier 100 miles réussi pourrait aussi bien être le dernier.

Mais non. Absolument RIEN de tout ça n’est arrivé. Sweet nothing.

Avec le recul, je me surprends même à me dire que j’ai trouvé ça presque facile de courir 160 km. Fuck…

(Pour regarder le récit vidéo de ma course, par ici.)

Même si j’ai dû marcher pendant 70 kilomètres, j’ai terminé seulement 29 minutes plus tard que mon objectif ultime, qui était de boucler les deux boucles de 80 km en moins de 30 heures. Et j’ai recommencé à courir comme par magie cinq jours plus tard…

Faut croire que mon corps était mieux préparé que je le pensais. Et ma tête, elle, était plus que prête. Ça, je le savais. Parce que je me connais de mieux en mieux. Et parce que je suis sorti de ma zone de confort plus souvent qu’autrement depuis deux ans, à repousser chaque fois un peu plus mes limites.

Et c’est ici qu’on commence à sérieusement gratter le bobo. Mes limites…

Les bêtes

Un an plus tôt, alors que je courais le 80K du Bromont Ultra, j’étais en totale admiration devant les coureurs du 160K que je dépassais tout en les encourageant. Je n’en revenais pas de constater qu’ils étaient en train de parcourir deux fois plus de kilomètres que moi. Je les adulais, littéralement.

Ces coureurs du 100 miles, ils étaient «hors catégorie» dans mon esprit. Le top du top. Des bêtes. Je voulais faire comme eux. Je voulais être comme eux.

Aujourd’hui, je constate que j’ai réussi. Je fais maintenant partie de la catégorie des 100 milers. Je fais partie de ceux que j’admirais l’an dernier. Et ça rend ça presque banal…

Je ne suis pas surhumain pour autant. Je ne bombe pas le torse en repensant à ce que j’ai réussi. Parce que, malgré le mot «exploit» que j’ai beaucoup lu et entendu depuis le BU, c’est loin d’en être un, selon moi.

Oui, j’avoue, c’est un peu fou de parcourir, à pied, la distance qui sépare Sherbrooke de l’aéroport de Montréal d’une seule traite, et en montagne de surcroît. Il y a trois ou quatre ans, j’aurais cru ça complètement impossible à réaliser. Mais un coup parti, ça s’est fait pratiquement tout seul… J’avais seulement à mettre un pied devant l’autre, le plus rapidement possible, selon ce que mon corps avait à m’offrir. Go with the flow… Et puisque je n’avais rien de mieux à faire cette fin de semaine-là, il était hors de question d’abandonner, alors j’ai continué jusqu’à la ligne d’arrivée en gardant le sourire du début à la fin.

J’ai beau avoir réussi un 100 miles, je suis le même qu’avant. À une différence près.

Contrairement à ce que je croyais fermement il y a un mois à peine, ma limite ne se situe pas à 160 km.

Et ça me fait peur…

Parce que je devrai franchir cette nouvelle limite pour voir ce qui se cache derrière.

Parce que j’ignore où ça s’arrêtera.

Parce que c’est en repoussant chaque fois mes barrières un peu plus loin que je me sens le plus vivant.

 

(crédit photo: Martin Bherer – merci encore!)