Les White Mountains en hiver sont imprévisibles. Il faut être prêt à tout si on veut en redescendre… en vie. Oui oui, vous avez bien lu. Ça a beau être à seulement deux heures de route de Sherbrooke, on ne sait jamais ce qui peut arriver au sommet, même quand il fait beau en bas. J’ai parfois rebroussé chemin quand les conditions météo étaient trop intenses au-dessus de la cime des arbres.
Hier, le vent soufflait à plus de 100 km/h au sommet de Washington. J’ai donc opté pour la traditionnelle boucle de Lafayette, en sachant très bien que j’allais probablement y goûter un peu pareil. J’ai finalement eu droit à un apocalypse en crescendo.

En arrivant sur la crête, en haut du sentier Falling Waters, je ne voyais qu’à dix mètres en avant de moi. La trail semblait tout de même facile à suivre. Il ventait en fou, mais ce n’était heureusement pas trop froid. Les amoncellements de roches (cairns) qui indiquent le chemin étaient partiellement recouverts de neige, mais bon, c’était jouable.
Après quelques secondes de doute/adrénaline, j’ai donc poursuivi sur la boucle plutôt que de rebrousser chemin, avec mon imperméable et mes lunettes de ski pour me protéger du vent. Mon objectif: me rendre jusqu’au sommet de Lafayette, environ 2,5 km plus loin sur la crête complètement à la merci des éléments, avant de redescendre à l’auto vers Greenleaf Hut via Old Bridle Path. La seule autre option, en cas de pépin, aurait été de revenir sur mes pas, à l’aide de la fonction « trackback » de ma montre. Ça ne m’est jamais passé par la tête.
Quelques minutes après m’être aventuré dans ce joyeux bordel, je me suis demandé si je prenais un trop grand risque. La réponse s’est vite imposée: non. Je sais ce que je fais, je connais bien la montagne pour y être allé plus de 20 fois et j’ai tout ce qu’il faut dans mon sac en cas d’urgence:
- Des grosses mitaines
- Deux chandails chauds
- Mes raquettes
- Une paire de bas de rechange (au cas où la traversée des ruisseaux de Falling Waters se serait mal déroulée)
- Mon cellulaire
- Un battery pack
- Une frontale
- Une couverture de survie
J’ai atteint la pancarte du sommet de Lafayette après une quarantaine de minutes, sans trop chercher mon chemin, en marchant un peu croche tout le long pour résister au vent de côté qui devait bien souffler à plus de 80 km/h par moments. Et on repassera pour la vue!

C’est là que ça s’est solidement gâté. Il s’est mis à venter encore plus fort, avec un beau petit grésil en bonus. Je ne voyais plus qu’à quelques mètres devant moi. J’ai bifurqué à gauche pour enfin redescendre vers Old Bridle et me mettre à l’abri sous la cime des arbres. Mais, pour une raison qui m’échappe encore, j’ai suivi le mauvais cairn et j’ai commencé à descendre vers Garfield Ridge Trail. Ça m’a pris une dizaine de minutes avant de réaliser que je m’éloignais visiblement du point de sortie plutôt que de m’en approcher… À ce moment, on voyait fuck all et le grésil me mitraillait la face.
J’ai sorti mon cell pour me localiser sur la précieuse application Maps.me. Eh merde… J’étais vraiment sur la mauvaise trail….
J’aurais alors pu prendre un raccourci au travers des roches et de la faible couche de neige pour rejoindre le bon sentier, que je voyais sur la carte, à quelques centaines de mètres. Non! Ça aurait été une erreur de débutant. Surtout, ne JAMAIS sortir du sentier, et encore moins dans ces conditions. Ça maximise les chances d’être retrouvé si le pire devait arriver.
J’ai donc rebroussé chemin, en luttant contre les éléments. C’est là que je me suis dit qu’un randonneur peu expérimenté et/ou mal équipé y aurait probablement laissé sa peau… C’est peut-être ce qui est arrivé à Emily Sotelo, décédée à peu près à cet endroit un mois plus tôt, alors que le mercure avait chuté dramatiquement.
Je suis finalement revenu au sommet de Lafayette, où j’ai tenté à nouveau de prendre le bon sentier en m’aidant cette fois de mon application pour être certain d’aller dans la bonne direction.
Pendant la descente, j’ai dû ressortir mon cell à plusieurs reprises pour me localiser. J’étais constamment à côté du sentier…
De retour sous les nuages, j’ai poussé un petit ouf de soulagement. Il ne ventait plus du tout. Et on avait une vue.
Surtout, ne jamais sous-estimer ces montagnes. Soyez prudents si vous vous y aventurez!

Pour visualiser cette sortie sur Strava, c’est ici.
29 décembre 2022 at 20 h 36 min
Ho My! Une chance que tu avais de l’expérience car ça aurait pu être très dangereux.
Les photos sont surprenantes!
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